Psychologie

Accompagner les enfants qui souffrent

 

Interview du docteur Laurent Lauwerier, pédopsychiatre, à l’établissement public de santé mentale Val-de-Lys à Saint-Venant (Pas-de-calais), par Laurence Verley.

Comment s’exprime la souffrance d’un enfant ?

La plupart des enfants traversent une période de perturbation affective un à deux ans après la séparation des parents. Les manifestations de ce trouble peuvent varier considérablement selon leur âge et le contexte.
Cela peut aller d’une simple tristesse à une dépression ou à un sévère ébranlement de la personnalité, de la confiance en soi et aux adultes. L’enfant peut devenir morose, absorbé par ses pensées, avoir des troubles de l’attention en classe. Il peut aussi présenter des comportements perturbateurs (instabilité, opposition, manifestations caractérielles..) et un blocage dans ses apprentissages. La colère s’exprime ainsi vis-à-vis des parents ou de lui-même.

Le sentiment d’insécurité entraîné par les multiples changements va se manifester aussi par des peurs (peurs pour ses proches, insomnie, questionnement sur la mort…), par l’inquiétude sur le mode de garde.

La peur de l’abandon existe surtout chez l’enfant qui a mal supporté cette angoisse quand il était bébé. Elle sera réactivée par la situation de divorce.

Ce sont souvent les enfants placés au cœur d’un conflit parental ancien, et perdurant au-delà du divorce, qui présentent les problèmes les plus graves.

L’enfant est forcément remis en cause dans ses origines mêmes, et il est confronté à la perte et à la nostalgie de sa vie d’avant. Il peut refuser cette réalité trop douloureuse et s’enfermer dans des illusions (attente d’une nouvelle vie commune). Cela peut le freiner dans son développement psychoaffectif (refus de grandir). Il peut aller jusqu’à nier cette réalité.
Bien des enfants se sentent aussi coupables de la séparation, repérant que le couple a été en difficulté suite à leur naissance, ou que leur présence en alourdit les conséquences. L’enfant tiendra alors souvent des propos comme « je n’aurais pas dû venir au monde ».

Comment accompagner cette souffrance ?

Pensant les protéger, les parents cherchent souvent à écarter les enfants de cette douloureuse décision ; ils leur cachent leur souffrance. Or, cela leur laisse supposer qu’il s’agit de quelque chose de mal. Un sentiment de honte ou de culpabilité inconsciente peut alors s’installer. Généralement, les enfants sentent très bien que ce qui se passe entre leurs parents les touche intimement. Ils ont besoin de mots sur cette réalité, pour l’assumer consciemment, sans se réfugier dans des fantasmes (refus de la réalité, maintien de l’idéalisation du couple parental).

Plus l’enfant a été mis à l’écart, plus il y a un risque d’ébranlement psychologique : l’enfant perd alors brutalement ses repères, n’étant pas du tout préparé à cette décision. Il peut s’agir alors d’un véritable traumatisme psychique.
Il convient de montrer à l’enfant que cette décision a été mûrement réfléchie : ce n’est pas un caprice mais une décision d’adultes ; une solution à la mésentente des parents.
Ceux-ci doivent expliquer aux enfants les conséquences de leur divorce : si leurs engagements en tant que mari et épouse sont dissolus, cela ne change en rien leurs responsabilités de parents. Leurs devoirs de parents restent intacts. Il faut aussi rassurer les enfants quant à leur non culpabilité.

Si les parents ne peuvent parler, du fait de tensions trop importantes, la mise en mots peut se faire par une personne neutre, moins impliquée affectivement : éducateur, psychologue, ou un médecin généraliste, voire un pédopsychiatre.
L’enfant doit être aidé pour mettre ses propres mots sur la séparation. Il doit se sentir autoriser à en parler à ses amis, ou à un proche. Il doit pouvoir exprimer sa colère, sa tristesse, sans avoir l’impression d’aggraver la situation. Il a besoin d’être reconnu dans sa souffrance, ses interrogations. Ce que souvent les parents oublient, trop absorbés par leur propre mal-être.

Au-delà des mots, quelle attitude adopter ?

Les parents doivent comprendre que, si le divorce peut protéger les enfants de disputes incessantes, celles-ci doivent impérativement cesser après la séparation. Dans le cas contraire, le retentissement en serait aggravé.
Il est également important d’assurer une permanence auprès de l’enfant, surtout s’il est très jeune (avant 7 ou 8 ans) : de maintenir ses repères spatiaux (maison, école) et temporels. Trop de changements entraînent des déstructurations supplémentaires au niveau du corps de l’enfant, qui se construit avec son environnement, et au niveau de son affectivité et de son lien social.

L’enfant a aussi besoin de la présence de la famille et d’amis. Il doit continuer à bénéficier de plusieurs figures pour s’identifier (figures masculines et féminines) et ne pas être enfermé dans une relation exclusive pathologique au père ou à la mère, souvent déprimé.

Et il faut, par des mots, des gestes, des attentions, prouver à l’enfant qu’on ne regrette pas sa naissance, qu’il est né d’une relation amoureuse qui a existé.

Françoise Dolto conseillait de dire : « Ce divorce et cette souffrance ne sont pas inutiles, puisque tu es né et que tu es une réussite du couple. »





Décédée en août 2009, Laurence Verley était journaliste indépendante après avoir travaillé dans un grand quotidien régional et au sein du service communication d'une grande banque. Elle avait été administratrice du Club de la presse de Lille et siégeait dans le collège des communicants.



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