Enfants

La résidence en alternance : idéaux et réalités

 

Avocate en droit de la famille, Me Yanick Jacquet, rappelle les principes d’une garde alternée réussie :

Quelles réflexions les parents doivent-ils engager avant de demander la mise en place d’une mesure de résidence en alternance ?

« Il y a deux niveaux de réflexion à mener avant de proposer ce type de dispositif à un juge aux affaires familiales. Le premier concerne l’enfant, totalement au centre de cette mesure mise en place depuis mars 2002. Je rappelle que le but du législateur n’est pas de permettre au père, ou à la mère le cas échéant, d’exercer une sorte de droit de garde élargi.
Il s’agit d’abord d’offrir à l’enfant la possibilité d’être élevé par ses deux parents en dépit de leur séparation. L’enfant a ainsi un contact plus proche, plus quotidien avec son père et sa mère.

Le deuxième niveau de réflexion doit se passer entre les parents. Pourquoi souhaitent-ils la garde alternée ? Quelle est leur motivation ? Leur disponibilité ? La règle d’or est qu’il n’y a pas de bonne garde alternée si le contentieux entre les parents n’est pas apaisé. Il ne faut donc pas confondre la garde alternée avec le désir d’égalité. Car au bout du compte, il y a la réalité du terrain, la vie professionnelle et quotidienne, l’âge et la psychologie de l’enfant. »

Quelles questions faut-il se poser pour l’enfant ?

« La question de l’âge et de la maturité d’abord. Les pédopsychiatres sont à peu près tous d’accord là-dessus. La résidence en alternance ne convient donc pas au bébé et au jeune enfant. Le plus jeune âge de l’enfant correspond à la période du processus d’attachement… à la mère ou au père du reste. Dans la majeure partie des cas, la mère qui est nourricière si je puis dire, se voit accorder la résidence principale de l’enfant. Ce lien est toujours maintenu dans l’intérêt de l’enfant.

Ensuite quand l’enfant est scolarisé, tout dépendra de sa maturité. Il faut faire attention à son comportement, son caractère. Il faut examiner les relations qu’il entretient avec chacun des parents. Il faut admettre que ce n’est pas évident de changer de chambre, de lit, de brosse à dents, même quand on aime beaucoup ses parents et qu’on ne veut pas leur faire de peine. L’enfant aime avoir ses petites habitudes.
Dans la garde alternée, il doit changer et se réadapter en permanence. Ce n’est pas facile. Cela demande de la part des parents une bonne écoute et du dialogue.
C’est particulièrement vrai dans le cas des adolescents qui ont besoin d’avoir leur “chez eux” et des copains et copines pour se sentir bien. De toute façon, à cet âge-là, il y a peu de demandes de résidence alternée. Ce sont les ados, qui choisissent leur lieu de résidence, en fonction de critères qui ne sont pas ceux de leurs parents ce qui est souvent difficile à admettre pour ces derniers. »

Quelles sont les autres contraintes ?

« La proximité géographique des domiciles et des lieux de scolarisation, d’activités extra-scolaires ; la même conception ou une conception proche de l’éducation ; la disponibilité réelle pour l’enfant… Il ne faut pas négliger non plus l’aspect financier. La résidence alternée se rencontre, je pense, plus souvent dans les milieux sociaux aisés. Peu de familles modestes choisissent ce mode de garde. Cela coûte cher. Il est préférable pour l’enfant qu’il ait ses vêtements, ses affaires en double. Cela allège la contrainte du changement de lieu de vie, donne des repères et aide l’enfant à se sentir chez lui chez chacun des parents. L’enfant ne doit pas se sentir en transit permanent. »

Comment le temps se partage-t-il entre les parents ?

« Le principe de la garde alternée permet aux parents d’être très inventifs. Garde partagée ne veut pas forcément dire égalitarisme. Ceci dit, le cas le plus fréquent est une semaine sur deux. Mais tout dépend des activités professionnelles des parents et surtout des rythmes de l’enfant. Cela peut être une quinzaine sur deux voire un mois sur deux. Ou certains jours de la semaine. Il faut savoir qu’il n’y a pas de règle préétablie.
Depuis 2002, la nouveauté réside dans le pouvoir donné au juge d’imposer ce mode de garde en cas de désaccord des parents. C’est parfois même devenu une sorte de sanction pour le parent réticent à laisser à l’autre la place qui lui revient. Le juge va rechercher à quel enfant il a affaire et à quels parents. Il peut mettre en place une période probatoire pour vérifier que cela peut fonctionner. Si ce sont les grands-parents qui exercent la garde alternée ou parfois la nounou, on impose un quotidien à l’enfant qui n’a pas véritablement de sens pour lui. Dans tous les cas, il faut toujours avoir les moyens d’organiser son emploi du temps professionnel (lire le témoignage). »

La garde en alternance est-elle devenue un phénomène de société ?

« Non, je ne crois pas. Ce type de garde démontre néanmoins un changement important des modes de vie et des comportements familiaux et sociaux. Au début du siècle dernier, la mère donnait le sein et s’occupait du foyer et l’enfant était confié au père pour l’éducation.
Aujourd’hui, le père prend sa part dans le ménage, les courses… Je crois que les pères sont plus ouverts pour s’occuper pleinement de leurs enfants. Pour leur part, certaines mères ont envie de vivre leur épanouissement personnel et professionnel.
Bosser, faire du sport… Elles exigent parfois ce mode de garde. Mais les juges ne leur donnent pas forcément satisfaction si la demande est faite à sens unique. Il faut être deux parents pour réussir la garde alternée des enfants. »


Propos recueillis par Laurence Verley.


Décédée en août 2009, Laurence Verley était journaliste indépendante après avoir travaillé dans un grand quotidien régional et au sein du service communication d'une grande banque. Elle avait été administratrice du Club de la presse de Lille et siégeait dans le collège des communicants.

Maître Yannick Jacquet
122 r Hôpital Militaire
59000 LILLE
Tel : 03 28 38 17 90



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