Psychologie

Reconstruire un foyer quand on est déjà parent

 

Vous avez des enfants, mais vous êtes séparés de leur mère (ou de leur père). Vous avez une relation affective et sexuelle avec quelqu'un avec qui vous envisagez de cohabiter. Et vous vous demandez comment cela va se passer entre vos enfants et votre nouveau compagnon (ou compagne).
Voici quelques informations sur ce que la sociologie, (à la suite d'enquêtes comme celle que j'ai menée auprès de jeunes résidant en foyer recomposé) peut vous apprendre à propos des familles recomposées puis quelques conseils donnés par des psychologues.



1) Quelques chiffres

Les démographes repèrent plus de 700.000 foyers recomposés, c'est-à-dire de foyers ou un ou des enfants vivent avec un parent et le conjoint ou le concubin de ce parent.
En 2011 en France métropolitaine, 1,5 million d’enfants de moins de 18 ans vivent dans 720 000 familles recomposées, soit 11% des enfants. 18% sont en foyer monoparental.

Mais pour compter, on se heurte à une difficulté. Lors des recensements, on ne compte que les enfants dont la résidence principale est fixée à ce foyer. Mais si votre enfant a sa résidence principale chez sa mère et que vous le recevez une ou deux fois par semaine chez vous, son père et sa belle-mère, vous n'êtes pas compté comme famille recomposée. Or, votre mode de vie est très marqué par la présence intermittente de votre enfant.

Il faut donc parler de réseau familial recomposé, d'autant plus qu'il arrive très fréquemment qu'un arrangement de garde soit modifié quand l'enfant grandit, et des parents de plus en plus nombreux pratiquent la résidence alternée.

2) Quelques définitions


A quel moment devient-on beau-père ou belle-mère d'enfants ?
Difficile à évaluer, car on ne se remarie pas toujours, loin de là, et la remise en couple aujourd'hui est progressive. On passe des vacances ensemble, puis on cohabite, et enfin, éventuellement on repasse devant le maire. On reste longtemps « le copain de maman, la copine de papa » et le passage au statut de parent n'est pas évident. L'arrivée d'un demi-frère ou demi-soeur, si elle chagrine au début car c'est le signe que la rupture entre les parents est irrémédiable, est finalement presque toujours une étape positive. Le demi-frère est en fait un frère à part entière, même si le grand frère ou soeur le voit seulement par intermittence et ne réside pas avec lui.

3) Et si votre compagne(ou compagnon) a elle-même des enfants ?

On les appelle alors des quasi-frères ou soeurs : ils n'ont aucun lien de sang, mais ils auront des souvenirs d'enfance en commun. Entre eux, le lien ne sera familial que s'ils ont été élevés ensemble très jeunes. Or, ils résident rarement ensemble (ce n'est le cas de 4,4 % des enfants de foyers recomposés) puisqu'ils résident rarement avec leur père( 13 % des enfants de foyers recomposés). Ils ne s'entendent pas toujours si bien que ça, surtout s'ils se sont rencontrés à l'adolescence. Cela dépend vraiment de leurs personnalités. Ils peuvent être ressentis comme des intrus, mal élevés, « pas gênés ». Parfois, au contraire, ils sortent ensemble, ce qui signifie bien qu'ils ne se considèrent pas comme frères et soeurs, l'interdit de l'inceste ne joue pas : ils ne se sentent pas de la même famille.

Une foyer à quasi-frère ou soeur est en général plus fragile qu'une foyer à demi-frère( 47 % des enfants en foyer recomposé vivent avec un demi-frère).
Contrairement à ce qu'on pourrait croire en regardant les familles recomposées au cinéma ou à la télé, elles comportent rarement des enfants de trois filiations. Quand on a déjà déjà des enfants tous les deux de son côté, on est en général moins jeune que si un seul en a, et on en refait rarement ensemble.

4) Quelle relation peut-il exister entre un beau-parent et son bel-enfant ?

Toute la gamme de sentiments existent de l'amour comme entre parent et enfant à l'exaspération et la haine.
Dans notre culture, le modèle de la parentalité est exclusif, on n'a qu'une seule mère, un seul père. Jadis, les remariages suivaient des veuvages. Le beau-père devait être appelé papa, la belle-mère maman : on substituait le beau-parent au parent. Mais la belle-mère était moins mère que la mère, ce qui est naturel, et c'est pourquoi marâtre a pris un sens péjoratif.
Aujourd'hui, avec la banalisation du divorce, on n'accepte plus que l'un des parents perde son enfant, ni l'enfant l'un de ses parents. C'est pourquoi le beau-père n'a pas à prendre la place du père, ni la belle-mère celle de la mère. Si la place est libre, parce que le parent a plus ou moins abandonné l'enfant, il sera plus facile de devenir un parent de substitution, surtout si le beau-parent est cautionné par la mère. Sinon, il faut qu'il trouve une place d'adulte bienveillant, mais c'est difficile si l'enfant est difficile ou mal élevé, car son autorité est rarement reconnue par l'enfant.

En tous cas, un beau-père qui rend la mère heureuse et à qui elle a demandé de l'aider à élever son enfant aura plus de chances d'avoir une relation chaleureuse et éducative avec son bel-enfant qu'un beau-père que la mère tient à l'écart ou avec qui elle ne s'entend pas très bien.
Une belle-mère qui a séduit le père (ou un beau-père qui a séduit la mère, mais dans une mesure moindre) et est la cause de la rupture du couple parental sera très mal acceptée par un enfant toujours très dépendant des sentiments de sa mère, même si celle-ci ne dit rien contre la belle-mère.
Si l'enfant reste très entouré par ses deux parents, il va peu attendre d'un beau-parent, et peu donner affectivement.
L'adolescence est de toutes façons un moment difficile. Si les conflits parents-enfants s'atténuent de nos jours, ce n'est pas le cas des conflits avec les beaux-parents, même s'ils sont souvent larvés. De nombreux jeunes se disent hypocrites à l'égard de leur parent et ne leur disent pas ce qu'ils pensent en fait du beau-parent, car ils reconnaissent à leur parent le droit de vivre en couple.
Et il est plus facile d'être beau-père que belle-mère, car les femmes s'occupant encore davantage que les hommes des enfants, beaucoup d'enfants ont peu de contacts avec leur beau-père, sinon pour des loisirs choisis, alors que les belles-mères sont souvent sur le front, devant batailler avec leurs beaux-enfants pour en obtenir un comportement acceptable. Beaucoup se plaignent d'être traitées en « bonniches » par leurs beaux-enfants.

5) Quels conseils pour que cela se passe au mieux ?


D'abord, si vous êtes le père, (ou la mère, si vos enfants sont proches de leur père) essayez de régler les conflits avec la mère des enfants. Les conflits qui perdurent le plus ne sont pas ceux de l'abandon amoureux : ils sont très douloureux, mais ils s'apaisent. Ce sont les conflits financiers. Si vous quittez votre femme (ou votre mari), essayez d'être généreux (se), (ou au moins scrupuleusement honnête), vous garderez son estime et elle (il) ne se sentira pas trop dévalorisée(é). Et que le beau-parent s'efforce de s'attirer la bienveillance du parent de même sexe.

Ensuite, vis-à vis de vos enfants, expliquez –leur que le beau-parent ne prendra pas la place de leur parent (sauf si ce dernier a disparu ou est très lointain), mais que vous espérez qu'ils s'entendront bien. C'est à vous de poser les règles de civilité et de savoir-vivre qui donnent au beau-parent la possibilité de se sentir chez lui et à vos enfants celle de se sentir chez eux. Le beau-parent est un adulte. Il a des droits et des devoirs qui sont ceux de tout adulte vis-à-vis d'enfants. L'affection viendra après, si elle vient. Elle n'est pas obligatoire.

N'attendez pas que votre conjoint, s'il a des enfants, soit aussi affectueux et indulgent avec vos enfants qu'avec les siens. C'est irréaliste. Si vous êtes le père, sachez qu'une mère est une mère, et vos enfants ont leur mère. Leur belle-mère n'a pas à remplacer leur mère. Si leur mère chez eux ramasse leur linge sale et fait leur lit, cela la regarde. Ce n'est pas à la belle-mère de le faire. Si vous voulez les gâter comme chez leur mère, occupez-vous en directement. Mais ce n'est pas forcément ce qui est le mieux pour eux. A vous, le suivi du travail scolaire, le sport avec eux, les sorties, les discussions, et de trouver des goûts communs.

Etre un père séparé, cela veut dire être un père engagé. Et vous verrez que vous allez découvrir une relation plus directe et plus profonde avec vos enfants.
Quant aux mères, il sera important pour elles d'avoir été assez fermes avec leurs enfants, car elles ne pourront guère compter sur l'autorité de leur compagnon.


Ce texte est l'oeuvre de Sylvie Cadolle.

Enseignante à l'IUFM de Créteil, Sylvie a réalisé sa thèse de doctorat en sociologie sur la recomposition de la famille.
Elle a publié " Être parent, Être beau-parent " aux Éditions Odile Jacob en juin 2000.



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