Séparation / divorce

Les conséquences de la séparation des couples non mariés

 

Les conséquences liées à la rupture volontaire du concubinage sont dépourvues de règles spécifiques.
En effet, union libre impliquant rupture libre, le principe, en matière de concubinage, est que chacun des concubins peut reprendre sa liberté.
En conséquence et théoriquement la cessation du concubinage, quelle qu'en soit la cause ne devrait emporter aucune conséquence juridique.
Cependant, le principe selon lequel le concubinage et la séparation des concubins sont dépourvus de tout effet s'est révélé impossible dans la pratique, les Tribunaux s'étant trouvés confrontés à des contentieux qu'il faut résoudre et ce, à la lumière des règles du droit commun.


Les conséquences de la rupture des couples non mariés portent essentiellement sur 4 points :

I - LA REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DE LA RUPTURE UNILATERALE DU CONCUBINAGE
II - LE SORT DU LOGEMENT D'HABITATION
III - LA LIQUIDATION DES BIENS DES CONCUBINS
IV - LA QUESTION DES ENFANTS


I – LA REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DE LA RUPTURE UNILATERALE DU CONCUBINAGE :

La cessation du concubinage donne souvent lieu à contentieux : l’un des concubins réclame à l’autre réparation du préjudice que lui cause la rupture.

La rupture du concubinage ne peut pas constituer par elle-même une faute susceptible d’ouvrir droit à des dommages et intérêts.

En l’absence de tout lien reconnu par le droit, le concubinage peut être rompu librement et la rupture ne peut être considérée comme une faute, selon une jurisprudence constante.

Ainsi la rupture sans faute d’un concubin et sans intention de nuire à son compagnon ne donne droit à aucune réparation.

Les Tribunaux ne reconnaissent l’existence d’un préjudice subi par le concubin abandonné justifiant l’allocation de dommages et intérêts uniquement lorsqu’il existe des circonstances de nature à établir une faute de son auteur.

Ici, les Tribunaux vont donc s’appuyer sur le droit commun de la responsabilité civile pour accorder ou non des dommages et intérêts aux concubins qui estiment subir un préjudice dans le cadre de la rupture du concubinage ; les Tribunaux s’appuient également sur la notion d’obligation naturelle.

A/ La responsabilité civile :

Le concubin abandonné peut réclamer des dommages et intérêts, conformément aux dispositions des articles 1382 ou 1383 du Code Civil relatives à la responsabilité délictuelle.

Pour être mis en jeu, ce mécanisme de réparation exige une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

En conséquence, le préjudice doit être prouvé.

De plus, ce préjudice doit résulter d’une faute détachable de la rupture en elle-même, puisque celle-ci n’est pas en soi fautive, comme vu ci-dessus.

Le préjudice matériel ou moral peut être retenu : la faute reprochée au concubin peut avoir été commise dans l’établissement du concubinage ; au cours de la vie commune ou dans les circonstances de la rupture.

Ø Fautes à l’origine du concubinage :

Le comportement répréhensible du concubin résultera du fait qu’il a, par exemple, promis le mariage, qu’il a séduit dolosivement la jeune femme ou alors qu’il l’a contrainte, ou encore qu’il ait abusé de son autorité.

Ø Fautes au cours de la vie commune :

Cette faute résultera le plus généralement de l’attitude du concubin.

Exemple : cas d’un concubin qui exige de sa compagne qu’elle renonce à son emploi durant les années de vie commune pour se consacrer au ménage et aux enfants et l’a quittée brutalement en la laissant sans ressource.

Ø Fautes commises dans le cadre des circonstances de la rupture :

Lorsque la rupture est entourée de brutalités ou lorsqu’elle conduit à l’abandon d’un enfant, ces circonstances seront souvent retenues pour fonder la responsabilité de ceux qui rompent volontairement le concubinage.

Cependant, il faut toujours rapporter la preuve que la décision du concubin procède d’une intention de nuire, qu’elle est inspirée par l’inconséquence ou la méchanceté, ou se trouve entachée d’ingratitude manifeste.

B/ Obligation naturelle :

Les Tribunaux ont admis à plusieurs reprises qu’il existe à la charge du concubin, auteur de la rupture, un devoir de ne pas laisser sans ressource, celui ou celle qui lui a consacré une partie de sa vie et a apporté son soutien moral ou matériel.

Dans ces conditions, la réparation du préjudice causé par la rupture trouve une justification dans la notion “ d’obligation naturelle ”.

Il est ici considéré, que le concubin a contracté une dette à l’égard de l’autre qui revêt la forme d’une obligation naturelle, d’une obligation de conscience, qui se transforme en obligation civile : à savoir le devoir pour un concubin de ne pas abandonner sa concubine à un sort trop précaire (et vice versa).

La notion “ d’obligation naturelle ” offre un premier intérêt : si cette obligation est exécutée spontanément par l’auteur de la rupture, elle ne peut donner lieu de sa part, à une demande de remboursement.

Secondement, la simple promesse d’exécution transforme l’obligation naturelle en obligation civile susceptible d’exécution forcée et en principe transmissible aux héritiers du débiteur.

A titre d’exemple : doit recevoir exécution, la reconnaissance de dette signée au profit de la concubine à la suite de la rupture du concubinage et inspirée par un devoir de conscience.

In fine, l’on notera que la qualification “ d’obligation naturelle ” a comme conséquence qu’elle n’est pas considérée comme une donation et que fiscalement, elle n’est pas taxée en tant que telle.


II - LE SORT DU LOGEMENT D’HABITATION :

Lors de leur rupture, les concubins (comme les époux d’ailleurs), rencontrent souvent des difficultés relativement à la question du logement familial, soit que les concubins sont propriétaires ou locataires de leur logement d’habitation.

1 – Le logement en location :

Précarité : le bail souscrit par l’un des concubins est en principe régit par les dispositions du droit commun, notamment il n’existe pas au profit des concubins de dispositions comparables à celles de l’article 1751 du Code Civil qui répute les époux co-titulaires du bail, même quand celui-ci a été conclu par un seul d’entre eux avant le mariage.

En conséquence, en ce qui concerne les concubins, la co-titularité du bail ne peut avoir qu’une origine conventionnelle, à savoir : signature du bail initial par les deux concubins ou avenant ultérieur accepté par le propriétaire et accordant la co-titularité à l’un des concubins. Cela a comme avantage pour le propriétaire d’assujettir chaque concubin personnellement au paiement des loyers.

Dès lors, si le concubin seul signataire du bail donne congé ou si par sa faute, le bail vient à être résilié, son compagnon ou sa compagne risque l’expulsion.

Ce risque a néanmoins été atténué par la législation : certains textes permettant au concubin, même s’il n’a pas participé à la conclusion du contrat de bail, d’opposer sa situation au propriétaire afin de rester dans les lieux loués.

Ainsi, la loi du 22 juin 1982 (dite loi QUILLOT) a prévu qu’en cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue au profit du concubin notoire qui vivait effectivement avec lui depuis au moins 1 an.

Cette disposition a été reprise par la loi MEHAIGNERIE, du 23 décembre 1986, de même que par la loi du 6 juillet 1989 en son article 14, qui prévoit en cas d’abandon de domicile, la continuation ou le transfert du contrat de bail au profit du concubin.


En conséquence, le texte s’applique à l’abandon de domicile par le compagnon titulaire du bail.

S’opère alors une cession forcée du contrat de location au profit du concubin resté sur place.

Mais l’autre qui est parti n’est pas libéré pour autant de ses obligations : il reste tenu de payer le loyer impayé, le cas échéant.

Cependant, dès lors que les lois visées ci-dessus n’ont pas rendu les concubins, par le seul fait du concubinage, co-preneurs du bail (comme les époux) et si le locataire concubin en titre donne congé avant de délaisser le logement, le concubin abandonné ne peut pas bénéficier de la continuation du bail.

Il doit, si le bailleur le souhaite, quitter les lieux.

En revanche, si les concubins ont co-signés le bail, le contrat de location donne au co-titulaire le droit, évidemment, de se maintenir dans les lieux

2 – Le logement, propriété exclusive de l’un des concubins :

Dans cette hypothèse où l’un des concubins est propriétaire du logement et que l’autre est hébergé par lui, le partenaire hébergé se trouve dans une situation précaire : il peut être prié de quitter le logement à tout moment, sans pouvoir invoquer le droit au maintien dans les lieux.

De même, si le concubin propriétaire des lieux décide de vendre le logement, il peut le faire librement, sans avoir à recueillir le consentement de son compagnon.

3 – Le logement, propriété commune des concubins :

Si en cours de vie commune, les concubins acquièrent ensemble un bien immobilier, s’agissant le plus souvent du logement de la famille, il existe une indivision entre eux.

La séparation des concubins s’accompagnera alors de la nécessité de liquider leurs intérêts patrimoniaux et doit donc se régler le sort des biens, jusqu’alors indivis entre eux.

Œ Les concubins peuvent décider de rester en indivision, dans le cadre de l’indivision dite “ légale ” telle que prévue par les dispositions des articles 815 et suivants du Code Civil.

Les concubins peuvent convenir de régulariser une convention d’indivision, ce qui est une solution souhaitable d’ailleurs.

Ž Nul n’étant tenu de rester dans l’indivision et si les concubins veulent la faire cesser, il y a lieu de procéder à l’attribution divise du bien à l’un des ex-concubins.

Les modes légaux de sortie de l’indivision peuvent résulter :

- soit d’un partage en nature, amiable ou judiciaire ou encore d’une vente amiable entre co-indivisaires concubins (l’un des concubins rachète la part de l’autre).

- soit d’une vente amiable au profit d’un tiers se portant acquéreur du bien indivis dans son ensemble et partage du prix de vente en fonction du passif restant dû sur le bien et des apports respectifs de chacun des concubins.

- soit d’une vente judiciaire (licitation judiciaire) ordonnée par le Tribunal, en raison de l’impossibilité de procéder à un partage en nature.

Le procédé de la demande d’attribution préférentielle du bien immobilier ne semble pas devoir profiter au concubin co-indivisaire.

Cependant, l’on observe une certaine bienveillance des Tribunaux qui acceptent parfois de faire exception à ce principe, en accordant le bénéfice de l’attribution préférentielle au concubin qui en fait la demande, pour autant qu’il y ait accord de la part du concubin non-attributaire.

A noter, que dans l’hypothèse où le bien indivis est considéré comme ayant fait partie de l’actif d’une société créée de fait entre les concubins, dissoute par suite de la rupture des relations de concubinage, l’attribution préférentielle est alors possible, sans qu’il soit besoin d’espérer le concours bienveillant du Juge.



III - LA “ LIQUIDATION ” DES BIENS DES CONCUBINS :

Outre les règles applicables à l’indivision, vues ci-dessus, il existe un autre moyen qui sera ici succinctement évoqué (car trop complexe pour être exposé simplement) de parvenir à un partage entre les concubins :

Celui de considérer qu’il a existé entre eux une société créée de fait. Par cette technique, l’on peut ainsi, attribuer à chacun des concubins sa part dans les profits de la société, alors même que l’entreprise qu’ils ont exploitée en commun n’appartenait en nom qu’à l’un des deux.

La fin du concubinage entraînera le plus souvent celle de la société créée de fait : il conviendra alors de liquider celle-ci, c’est à dire restituer à chacun ses apports respectifs, payer le passif et éventuellement s’il reste quelque chose, partager le bénéfice réalisé. Le partage de l’actif net restant, se fait au prorata des apports respectifs de chacun.


IV - LA QUESTION DES ENFANTS :

Depuis la loi du 04 mars 2002 relative à l’autorité parentale, est supprimée la distinction entre enfants légitimes et enfants naturels.

L’exercice de l’autorité parentale par les parents séparés est fondé sur la volonté de maintenir les relations de l’enfant avec ses deux parents.

Le terme de séparation utilisé dorénavant par le Code Civil vise aussi bien les enfants naturels que les enfants légitimes.

Le principe est donc celui de l’exercice en commun de l’autorité parentale, sauf la possibilité pour le Juge de fixer un exercice unilatéral de cette autorité si, seul l’intérêt de l’enfant l’exige.

En cas de séparation, les concubins doivent donc fixer, soit à l’amiable, soit judiciairement, les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ; la détermination de la résidence habituelle de l’enfant ; la détermination d’un droit de visite et d’hébergement au profit du parent qui ne bénéficie de la résidence principale de l’enfant et depuis la loi du 04 mars 2002, la fixation éventuellement d’une résidence alternée.

En effet, les dispositions de la loi du 04 mars 2002, permettent dorénavant la possibilité de fixer la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents et permettent même au Juge de l’ordonner en cas de désaccord des parents et si l’intérêt de l’enfant l’exige.

Il convient de rappeler néanmoins, concernant cette question que la résidence alternée exige un minimum d’entente entre les parents, sans laquelle la viabilité d’un projet de résidence alternée serait compromise ; la résidence alternée supposant une adhésion des parents.

Si la résidence de l’enfant est fixée principalement au domicile de l’un des parents, l’autre bénéficiera, soit en accord avec son ex-concubin, soit au travers d’une action judiciaire auprès du Juge aux Affaires Familiales, d’un calendrier de droit de visite et d’hébergement s’appliquant durant certains week-ends et éventuellement milieux de semaine, ainsi que durant les périodes de vacances scolaires.

Enfin, le Juge aux Affaires Familiales peut être amené à entériner l’accord ou fixer judiciairement la part que l’un des concubins devra verser à l’autre relativement à son obligation de participer à l’entretien et à l’éducation de ses enfants.

Cette pension alimentaire destinée aux enfants sera fixée en fonction des revenus et charges de chacun des ex-concubins et des besoins des enfants.

Sur cette question, il n’existe pas de “ barème ”.


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Le texte ci-dessus est l'oeuvre de :
Maître Anne-Claude Hogrel-Jossier

Avocat au Barreau de Paris près le Tribunal de Grande Instance et la Cour d’Appel, elle exerce sa profession depuis 1986.




Sources :
Code Civil
Juris-Classeur Civil : Fascicule, article 515-8
Droit de la Famille Dalloz – Action
Actualité Juridique – “ famille ”

Maître Anne-Claude Hogrel-Jossier

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